Cobalamine Plus

La supplémentation en cobalamine (vitamine B12 ) chez le chien peut aussi se faire par voie orale

18 décembre 2019
  • Espèce cible: chien
    Indication: carence en cobalamine
    Substance active: vitamine B12 avec facteur intrinsèque (FI)

Sujet: Divers

La carence en cobalamine chez les chiens (et les chats) peut accompagner une entéropathie chronique (EC) ou une insuffisance pancréatique exocrine et constitue, pour les deux affections, un facteur de pronostic négatif. Chez certaines races canines (border collie, riesenchnauzer, beagle, berger australien et sharpei), il existe également une forme héréditaire de carence en cobalamine. Cette dernière forme a été nommée “syndrome de Imerslund-Gräsbeck (IGS)”, par analogie avec une forme héréditaire de carence en cobalamine chez l’homme. Contrairement aux cas rapportés chez l’être humain, notamment chez les vegans, la carence spontanée d’origine alimentaire chez le chien n’est pas décrite.

Les signes cliniques révélateurs d’une carence en cobalamine ne se distinguent souvent pas de ceux associés à une entéropathie. De l’anorexie, des vomissements et/ou de la diarrhée, du pica, une perte de poids, un retard de croissance, de la fatigue et une mauvaise réaction au traitement d’une maladie sous-jacente sont les signes cliniques les plus importants. Des examens complémentaires sont nécessaires pour confirmer le diagnostic de suspicion. L’hémogramme met généralement en évidence une anémie non régénératrice et parfois une chute des neutrophiles. La concentration en vitamine B12 dans le sang est diminuée.

Traitement de la carence en cobalamine chez le chien

Le traitement  consiste, d’une part, à traiter l’éventuelle pathologie sous-jacente  responsable de la carence secondaire et, d’autre part, à assurer une supplémentation en vitamine B12. La biodisponibilté orale étant considérée comme insuffisante en cas d’entéropathie ou de malabsorption héréditaire, la vitamine B12 était administrée, jusqu’à il y a peu, par voie parentérale. Chez l’homme, il a été démontré, depuis longtemps, que 1 % de la cobalamine administrée oralement diffusait à travers la paroi intestinale, indépendamment du facteur intrinsèque. De hautes doses orales de cobalamine constituent dès lors le traitement standard chez cette espèce (Toresson et al. 2016).

Des études récentes ont apporté la preuve que des supplémentations orales et parentérales de cobalamine chez le chien souffrant de carences suite à une entéropathie chronique (Toresson et al. 2019) ou une malabsorption héréditaire (Kook and Hersberger 2019) avaient la même efficacité dans le traitement de la carence en cobalamine.

La supplémentation en cobalamine chez les chiens souffrant d’une entéropathie chronique (EC)

D’après des études récentes menées par Toresson et al. (2016, 2018, 2019), il semblerait que le traitement par voie orale de l’hypocobalaminémie chez le chien souffrant d’EC soit tout aussi efficace qu’une administration par voie parentérale pour ramener la cobalamine sérique à des concentrations normales. Dans les deux cas, une diminution d’acide méthylmalonique(1) et une normalisation de la concentration sérique en vitamine B12 ont été constatées, ce qui illustre l’intérêt de ces marqueurs pour contrôler l’efficacité du traitement. Chez certains chiens, une injection mensuelle de cobalamine serait même insuffisante (Toresson et al. 2016, 2018, 2019) (Tableau 1).

Pour le traitement de l’hypocobalaminémie en cas d’EC, une supplémentation orale peut donc être recommandée comme alternative aux injections parentérales. La posologie proposée dans ces études est reprise dans le tableau 1.

Tableau 1. Aperçu des études sur la supplémentation en cobalamine chez les chiens souffrant d’entéropathie chronique(2)
Toresson et al. (2016) – Etude de cohortes rétrospective de 51 chiens montrant des signes d’EC accompagnés d’une cobalamine sérique ≤ 270 ng/l, traités par voie oraleToresson et al. (2018) – Etude ouverte, randomisée avec 53 chiens montrant des signes d’EC accompagnés d’une cobalamine sérique ≤ 285 ng/l, traités par voie orale ou parentéraleToresson et al. (2019) – Etude ouverte, randomisée avec 2 x 18 chiens montrant des signes d’EC accompagnés d’ une cobalamine sérique ≤ 285 ng/l, traités par voie orale ou parentérale et chez lesquels les concentrations en acide méthylmalonique et en homocystéine ont été contrôlées
– comprimé de cyanocobalamine (1 mg) : par jour : ¼ comprimé pour les chiens de 1 à 10 kg PV(3), ½ comprimé pour les chiens de  10 à 20 kg PV et 1 comprimé pour les chiens de plus de 20 kg PV.
La supplémentation orale en cobalamine a rétabli une normocobalaminémie chez tous les chiens (durée du traitement : 20-202 jours).
– cyanocobalamine orale : 0,025 mg/kg par jour (chiens de moins de 20 kg PV(3)) et 1 mg/kg par jour (chiens de plus de 20 kg PV)
– hydroxycobalamine parentérale : 0,25-1,0 mg, 1 x par semaine pendant 6 semaines, avec une dernière injection 4 semaines plus tard
La supplémentation a conduit dans les deux groupes à une augmentation significative de la cobalamine sérique (> 285 ng/l), jusqu’à une valeur médiane de J90 1244 ng/l (écart: 768-4999 ng/l) (durée du traitement 90 jours).
– posologie identique à celle de Toresson et al. (2018)
Les administrations orales et parentérales de cobalamine ont conduit à une réduction de l’acide méthylmalonique et de l’homocystéine(4), ce qui indique que les effets induits par les deux traitements sont similaires.

La supplémentation en cobalamine chez les chiens souffrant d’une forme héréditaire de carence (IGS)

Au cours d’une étude portant seulement sur quelques chiens souffrant d’IGS (6 beagles), les animaux ont été traités mensuellement et ensuite bimensuellement avec 1 mg de cobalamine par voie parentérale. (Kook et al. 2018). Dans une seconde étude (3 beagles), les animaux ont reçu de la cobalamine par voie orale (Kook and Hersberger (2019). Les auteurs de ces études n’ont pas tenu compte de la concentration en cobalamine sérique car ces valeurs sont faibles voire indétectables même pendant le traitement chez les chiens cliniquement sains atteints d’IGS. Kook et al. (2018) ont conclu, sur base du suivi des teneurs en acide méthylmalonique sérique et de la santé clinique des animaux, que ceux-ci pouvaient être traités bimensuellement. Bien que les études de Kook et al. (2018) et Kook and Hersberger (2019) ne contiennent qu’un petit nombre d’animaux, les résultats soutiennent l’hypothèse que chez les chiens atteints d’IGS, une partie de la cobalamine peut diffuser à travers la paroi de l’intestin. Des études ultérieures devront encore confirmer si cela n’est valable que pour les beagles ou aussi pour d’autres races de chiens atteints d’IGS. Des détails concernant ces études sont fournis dans le tableau 2.

Tableau 2. Aperçu des études sur la supplémentation en cobalamine chez les chiens souffrant d’IGS
Kook et al. (2018) – Etude ouverte, prospective (6 beagles avec IGS, 4 des 6 chiens avaient déjà été traités avec de la cobalamine parentérale ; chez ces 4 chiens, la concentration en cobalamine sérique se situait sous la limite de détection du test utilisé (74 pmol/L), la concentration en cobalamine sérique chez les 2 autres chiens était subnormale)Kook and Hersberger (2019) – Etude ouverte, prospective (3 beagles avec IGS qui avaient été traités précédemment avec de la cobalamine pendant 15-21 mois, 48 chiens en bonne santé pour la détermination des intervalles de référence en cobalamine sérique et homocystéine plasmatique et en acide méthylmalonique dans le sérum et l’urine)
– hydroxycobalamine parentérale : 1 mg par mois pendant une médiane de 9 mois et ensuite 1 mg par 2 mois pendant une médiane de 5 mois.
– la santé et les concentrations en acide méthylmalonique ont été suivies
La supplémentation parentérale en cobalamine a normalisé, chez tous les chiens, le  taux  d’acide méthylmalonique, les animaux étaient cliniquement sains (durée du traitement 20-202 jours).
– cyanocobalamine orale : 1 mg par jour pendant 13 (2 chiens) et 9 mois (1 chien)
– aucun signe clinique  et normalisation de la concentrations en acide méthylmalonique et en homocystéine.
La supplémentation orale en cobalamine a normalisé, chez tous les chiens,  la cobalaminémie et les concentrations en acide méthylmalonique et en homocystéine (durée du traitement 20-202 jours).
Pour les valeurs de référence déterminées chez les 48 chiens, voir l’article original.

Conclusion

Les études mentionnées ci-dessus montrent que chez les chiens atteints d’entéropathie ou chez les beagles souffrant d’une forme héréditaire de malabsorption, le traitement, aussi bien oral que parentéral, permet de normaliser une carence en cobalamine  et que cette normalisation va de pair avec une augmentation de la cobalamine intracellulaire. Les vétérinaires peuvent, dans la pratique, se baser sur la posologie utilisée dans ces études afin de traiter les chiens atteints de carences en cobalamine par voie parentérale ou orale. Il est conseillé d’évaluer les effets des traitements par des examens complémentaires adéquats.

(1) La cobalamine est nécessaire entre autres au fonctionnement de l’acide méthylmalonique CoA mutase et des carences peuvent conduire à la production d’acide méthylmanonique.
(2) Dans les études de Toresson et al. (2016, 2018, 2019), les chiens ont été traités si leur cobalamine sérique < 270-285 ng/l.
(3) PV : poids vif
(4) La cobalamine est un cofacteur essentiel de plusieurs réactions enzymatiques. En cas de carence, de l’acide méthylmalonique et de l’homocystéine se forment. Une augmentation de ces deux sustances dans le sang ou l’urine est une indication de carence en cobalamine. Les concentrations en acide méthylmalonique dans le sang et l’urine peuvent être suivies afin de vérifier le succès du traitement. Chez le chien, les connaissances sur l’homocystéine en tant que marqueur pour le suivi d’un traitement à la cobalamine sont limitées.